Soreze, ne vois tu rien venir ?
Dimanche de Pentecôte. Un
voyage pour retrouver une amie très chère, qui a choisi de prendre le chemin du
calme et de la sérénité, nous amène dans le Tarn.
C'est la première fois que nous
allons dans la belle région de la Montagne Noire, aux confins du Haut Languedoc
et de l'Aude. Là où la garrigue vient s'essouffler et butter contre la
montagne. Les dernières vignes de Saint Chinian serpentent nonchalamment
sur les premiers contreforts rocheux. Puis les cultures laissent place à
la roche. Les gorges creusent un relief plus rude que celui de la
méditerranée, qui a décidé de s'arrêter au pied de cette Montagne Noire.
Une autre nature salue le promeneur. Une belle nature majestueuse où le
vert du printemps qui va bientôt accoucher de l'été déploie de multiples
teintes. Il enrobe la terre ; il se fait peintre et étale
toute sa gouache baveuse dans tous les recoins. Ca et là, des taches
jaunes témoignent de ce début d'été dont la température ferait plutôt penser à
une fin d'août, quand la chaleur n'est plus supportable et que les prés
succombent à son ardeur.
En ce dimanche de Pentecôte, nous
décidons d'aller visiter le petit village médiéval de Soreze. La route
coule doucement entre côteaux et vallons. Le paysage se perd à l'infini,
ouvrant des horizons lointains pour que les yeux et les pensées vagabondent.
Du haut de la montagne, la Chapelle Saint Ferréol domine ses terres et
protège ses âmes. Tout est calme. La brise chaude et le soleil
incitent à la nonchalance.
Nous entrons dans Soreze. Aussi
endormi que petit, le village semble faire une sieste en attendant la fraicheur
de la fin de journée. Nous cherchons le chemin qui va nous mener à
l'abbaye-école que nous sommes venus visiter. Nous devrions trouver
facilement, mais cherchons malgré tout notre chemin. Nous débouchons sur une
placette où, à l'ombre d'un platane, une jeune femme est assise, seule.
Que fait-elle, qu'attend-t-elle? Il semble qu'elle soit la seule habitante de
l'endroit.
Nous nous approchons, et lui
demandons notre direction. La morphologie de son visage aux pommettes
rehaussées n'est pas sans rappeler le morphotype de l'Europe de l'Est. A
peine ouvre-t-elle la bouche pour nous dire d'aller tout droit et tourner à
droite, nous reconnaissons dans la milliseconde aux roulements des r qu'elle
est roumaine. Dans un éclat de rire qu'elle ne comprend pas, nous lui
demandons de quelle nationalité elle est. Je suis rrrrrrrrroumaine
nous dit-elle. Ce à quoi nous répondons par un vibrant et amical
"multumesc" (merci en roumain). Devant son visage interloqué
nous engageons alors une petite conversation. Je lui explique que je suis
aussi roumain. Elle nous apprend qu'elle est moldave de Piatra Neamt, la où
nous avions visité les monastères peints qui sont les trésors de la Moldavie.
Nous nous quittons avec la joie d'une rencontre totalement inattendue
tant pour elle que pour nous. Une roumaine qui rencontre un roumain là
dans ce minuscule village du Tarn au fin fond de la campagne. Comment
nos routes ont-elles pu se croiser ?
J'aime la Roumanie, je pense à elle, je
la sens souvent à côté de moi, j'aimerais y retourner encore pour mieux la
connaitre et la ressentir. Alors, quel beau cadeau que cette rencontre
qui vient comme un signe; un message qui témoigne que la Roumanie sait que je
pense à elle et qui me salue à sa façon.
Nous sommes dimanche de Pentecôte.
Les apôtres recevaient l'Esprit Saint et allaient prêcher en parlant
toutes les langues. Aujourd'hui je veux croire qu'une divine
manifestation s'est produite. La Roumanie et ses âmes bienveillantes
m'ont offert un beau signe d'amour.
Depuis que je suis allé à sa rencontre, mes chemins me rapprochent souvent
de la Roumanie.
Multumesc la Vie !