vendredi 22 août 2014

Photo, fais moi rêver

Depuis deux ans je me suis remis à faire de la photo.  Comme chaque photographe, je cherche la bonne lumière et le bon cadrage qui mettront en valeur le sujet.   Mais là ou la photographie devient vraiment intéressante, à mon avis, c'est lorsqu'elle permet de capter des émotions (par les portraits, en particulier), d'être une voie de création artistique, ou de solliciter l'évasion ou la méditation.  L'objectif permet de capturer et d'encadrer une émotion qui passe au travers de l'oeil.

En randonnée en montagne, je prends de multiples photos de paysages, de forêts, de plantes, de champignons...  Durant mes dernières sorties, je me suis attardé sur quelques vues assez banales, mais qui peuvent être autant d'évocations artistiques, mystérieuses, ou méditatives.

Le premier cliché transforme une simple signalétique de direction en une toile de gouache sur support de bois, où les couleurs de la peinture contrastent harmonieusement avec l'écorce du tronc et les différents teintes de lichens en donnant un aspect de toile moderne à l'ensemble.







Le deuxième cliché révèle un personnage mystérieux sortant d'un tronc d'arbre.  Quel prince des forêts est-il, quel monstre pourrait-il incarner, quel son sortira de sa bouche, que regarde-t-il? Comment s'est-il incarné dans cet arbre, est-il figé pour l'éternité?





Les deux clichés suivants appellent plus facilement à la méditation.   J'ai volontairement disproportionné les montagnes et le ciel pour laisser libre cours à nos imaginations devant les chimères et les fantômes du ciel qui dessinent leurs formes mystérieuse et magiques. A chacun de nous de les interpréter, de les deviner, de les rêver.







Nous voyons tous ces images.  Nos sens les captent, mais peut-être passons nous trop souvent à côté sans les observer vraiment.  Arrêtons nous quelques minutes et plongeons simplement dans les rêves qui nous sont offerts.   Allons au-delà d'un regard furtif, et ne boudons pas le plaisir de nous laisser emporter dans une rêverie qui nous emmènera au plus profond de nous pour nous entrainer à révéler nos ressentis.

Et là.... vous vous dites: "Mais il a fumé l'herbe de la montagne, Fabrice ? "

Mon propos peut paraitre simple, voire naïf, mais je sais que chacun d'entre nous a ce pouvoir d'aller au delà de ce que l'oeil voit et de voyager dans son esprit pour visiter les recoins de son Moi qui ne demandent qu'à être sollicités. 

J'avais juste à coeur de partager ces prises de vues qui m'ont inspirées mais aussi pourquoi... et en vous invitant à aller voir au delà des images.

Posez vos iphones, oubliez les selfies vite postés sur Facebook quelques instants, et faites votre propre selfie intérieur de temps en temps.




jeudi 17 juillet 2014

Jazz à Juan; quand le jazz est là, et plus encore...





L'été est depuis longtemps devenu synonyme de festivals en tous genres.
Le théâtre et la musique sous toutes leurs formes sont les rendez-vous incontournables des nuits étoilées de juillet et août.  Pendant quelques semaines, tous les courants musicaux sont rassemblés dans des lieux qui souvent les magnifient.  Pour l'amateur, c'est une fête que de pouvoir goûter au plaisir d'écouter une large sélection d'artistes soigneusement choisis et de découvrir de nouveaux talents.  Pour chacun, il y a le plaisir d'aborder la musique avec une oreille ouverte, exploratrice, curieuse et de ressentir des plaisirs nouveaux.  Car cet ensemble si particulier produit par un lieu, des artistes, l'air chaud, la lumière du couchant, est un cocktail vitaminé à l'émotion.   Mon festival, celui que je ne manque sous aucun prétexte c'est Jazz à Juan.  Mon histoire avec Jazz à Juan a commencé il y a longtemps. Bien longtemps.....

J'ouvre une très grande parenthèse......Au début des années 70, mon père  (Philippe) était publicitaire à l'agence Havas.   Figure reconnue du monde de la publicité, il avait activement participé à transformer les codes anciens de la "réclame", pour faire naître une forme nouvelle de création au service d'un changement profond des techniques de marketing.    Quelques années après mai 68,  il avait fait sauter ses verrous culturels, éducatifs et familiaux pour vivre dans un monde en profond changement.  Un monde qui faisait appel à des ressorts artistiques nouveaux pour nous faire aimer une marque et un produit.  Un monde où les images jouent sur notre inconscient pour déclencher des comportements de consommation liés à notre identification à celles-ci.   Aujourd'hui tout cela parait normal et acquis, mais c'est vraiment au début de la décennie 70 que cela a commencé.   Marchand (comme on l'appelait dans son milieu) avait sauté à pieds joints dans ce nouvel univers et à son échelle contribuait à le façonner.  Il collait à son époque, la devançait  même, à l'écoute des nouvelles musiques, des nouveaux talents, explorant les milieux alternatifs, cherchant dans les nuits parisiennes, il faisait éclore l'image, la photo, le son, le slogan qui allait toucher la population cible du produit.

En charge des budgets publicitaires de la source Perrier, il avait entre autres redynamisé l'eau de Saint-Yorre (« Saint-Yorre, mon foie connait pas »),  et le soda Fruité (« on n'a pas le tempérament à boire du raplapla, Fruité c'est plus musclé ! »).  Mais c'est avec Gini, qu'il a vraiment donné toute l'expression de son talent. Pour donner envie de découvrir une nouvelle expérience gustative, il avait trouvé ce slogan "Gini, un goût étrange venu d'ailleurs" et avait associé les Pink Floyd à l'image de Gini.   Dans le cadre de cette campagne, il avait organisé une tournée du groupe anglais en France, parrainée par Gini.  
A cette occasion il avait travaillé avec de nombreux personnages du show busines dont un certain Nobert Gamsohn.  Je ferme la parenthèse.....


L'été 74 (j'avais 12 ans), je passais le mois de juillet en vacances dans l'arrière pays cannois avec mon père.   Norbert Gamsohn qui était très ami avec lui, était le directeur artistique du festival de Jazz de Juan les Pins.  Le fameux Jazz à Juan.   Et grâce à lui, c'est en spectateur très privilégié que je me suis initié au jazz de la meilleure façon possible.  Pendant cet été là nous avons assisté à la quasi totalité des concerts.  Mais dans quelles conditions ! Grâce à Norbert, nous avions les meilleures places dans les premiers rangs et nous avions aussi accès au back-stage pour voir les concerts sur le côté de la scène.  Mais suprême privilège, nous étions admis dans le "Saint des Saints". Aujourd'hui le festival est presque une grosse machine, et les artistes ont des loges à leur disposition.  Pour peu que je me souvienne, il n'y avait pas de loges et avant les concerts les musiciens venaient boire un verre et se décontracter au bar de la plage située en contrebas de la scène.  Et chance extrême, Norbert nous donnait accès à ce lieu ultra confidentiel, et nous offrait le grand privilège de nous présenter les vedettes qui quelques minutes plus tard serraient sur scène.    
C'est comme ça, avec cette chance unique, que j'ai connu cette ambiance intime particulière qui règne avant les concerts auprès des plus grands musiciens de jazz.  Je me souviens tout particulièrement d'avoir été présenté â Eroll Garner, Muddy Waters et Freddy King.  Je crois aussi qu'il y avait Dizzy Gillepsie.   Certains m'avaient même signé un autographe sur un dessous de verre de bière.  Malheureusement je ne les ai pas gardés…    Ensuite, nous allions voir le concert soit dans les premiers rangs, soit sur le côté de la scène. Une fois le show terminé, il y avait des diners et des soirées à la Plage des Pêcheurs qui était un des haut lieux des nuit de Juan les Pins.  Nous nous retrouvions autour de grandes tablées jusque tard dans la nuit.  Il y avait une discothèque en plein air et je me souviens des fins de soirées bercées au son de « Rock your baby » de George Mc Crae.   Cette année là, la mode était aux chemises américaines de bowling.   Toutes les boutiques de Juan en vendaient et j'étais très fier de porter les miennes à l'occasion de ces soirées.

Alors, voilà comment j'ai fait mon éducation jazzistique, et comment est née ma relation particulière avec Jazz à Juan.   Un père aimant et bienveillant qui vivait dans un monde que je comprenais être peu ordinaire,  qui connaissait des vedettes et qui me faisait vivre des moments uniques tout en faisant mon éducation musicale, car il était un grand amateur de jazz.    

L'empreinte de Jazz à Juan est restée en moi depuis.  Cette émotion émerveillée que j'ai  ressentie durant ces soirées ne m'a plus quittée, et chaque soir que je passe à Jazz à Juan me transporte un peu en cet été 74 auprès de mon père au milieu de ces artistes, des  étoiles plein les yeux et du bonheur dans les oreilles.




Oui, il y a une magie à Juan.   Le lieu à lui seul, je pense, transcende les artistes et l'émotion qu'ils ressentent et partagent avec le public.  Cette lumière particulière du couchant de la côte d'azur, le ciel bleu, rose et orange qui vient se mêler avec l'horizon de la mer et qui se fond dans des teintes argentées avant de laisser place au bleu roi de la nuit.  Cette nuit légèrement éclairée par les lumières de Golfe Juan et de Vallauris qui au loin scintillent telles des lucioles.   Les pins qui créent un écrin pour la scène et les gradins, leur tronc tordu comme des contorsions de trompettistes, et puis soudain la lumière qui s'éteint et annonce le début du spectacle. Depuis 20 ans je vais à chaque édition de Jazz à Juan.  Je guette avec impatience et fébrilité le programme lorsqu'il est publié au mois d'avril pour découvrir qui viendra.   Et quand vient mi-juillet, je sais que les soirées seront belles.   Douces comme la voix de Melodie Gardot qui chaloupait entre jazz et bossa.   Charmeuses comme les notes de piano de Diana Krall jouées dans un silence saisi par l'émotion pure. Magnétiques comme l'hommage rendu à  Miles Davis par Marcus Miller, Wayne Shorter et Herbie Hanckok.  Dansantes comme les funks furieux d'Earth Wind and Fire ou Niles Rogers.   Brûlantes comme les blues saignants de BB King ou les cris du cœur et les larmes de Beth Hart.   Majestueuses comme ce concert de Marcus Miller accompagné par la philharmonie de Monaco.   Surprenantes comme Raoul Midon qui seul avec sa guitare et sa voix est un véritable orchestre.  Suaves comme la guitare de George Benson ou Pat Metheny.   Syncopées comme les squats d'Al Jarreau.   Orientales comme la trompette de Ibrahim Maalouf.   Et pleines de surprises comme celles et ceux à venir.  


Alors, merci papa et merci Norbert.  Merci à tous ceux qui perpétuent l'organisation et l'esprit de ce festival, et surtout, merci à chacun des artistes pour ce qu'il nous transmettent et l'émotion qu'ils nous procurent.

samedi 21 juin 2014

Soreze, ne vois tu rien venir ?

Soreze, ne vois tu rien venir ?



Dimanche de Pentecôte.  Un voyage pour retrouver une amie très chère, qui a choisi de prendre le chemin du calme et de la sérénité, nous amène dans le Tarn.


 
C'est la première fois que nous allons dans la belle région de la Montagne Noire, aux confins du Haut Languedoc et de l'Aude.  Là où la garrigue vient s'essouffler et butter contre la montagne.   Les dernières vignes de Saint Chinian serpentent nonchalamment sur les premiers contreforts rocheux.   Puis les cultures laissent place à la roche.   Les gorges creusent un relief plus rude que celui de la méditerranée, qui a décidé de s'arrêter au pied de cette Montagne Noire.   Une autre nature salue le promeneur.  Une belle nature majestueuse où le vert du printemps qui va bientôt accoucher de l'été déploie de multiples teintes.  Il enrobe la terre ;  il se fait peintre et étale toute sa gouache baveuse dans tous les recoins.   Ca et là, des taches jaunes témoignent de ce début d'été dont la température ferait plutôt penser à une fin d'août, quand la chaleur n'est plus supportable et que les prés succombent à son ardeur.

En ce dimanche de Pentecôte, nous décidons d'aller visiter le petit village médiéval de Soreze.  La route coule doucement entre côteaux et vallons.  Le paysage se perd à l'infini, ouvrant des horizons lointains pour que les yeux et les pensées vagabondent.  Du haut de la montagne, la Chapelle Saint Ferréol domine ses terres et protège ses âmes.  Tout est calme.  La brise chaude et le soleil incitent à la nonchalance.

Nous entrons dans Soreze.  Aussi endormi que petit, le village semble faire une sieste en attendant la fraicheur de la fin de journée.  Nous cherchons le chemin qui va nous mener à l'abbaye-école que nous sommes venus visiter.   Nous devrions trouver facilement, mais cherchons malgré tout notre chemin. Nous débouchons sur une placette où, à l'ombre d'un platane, une jeune femme est assise, seule.   Que fait-elle, qu'attend-t-elle? Il semble qu'elle soit la seule habitante de l'endroit.

Nous nous approchons, et lui demandons notre direction.   La morphologie de son visage aux pommettes rehaussées n'est pas sans rappeler le morphotype de l'Europe de l'Est.   A peine ouvre-t-elle la bouche pour nous dire d'aller tout droit et tourner à droite, nous reconnaissons dans la milliseconde aux roulements des r qu'elle est roumaine.   Dans un éclat de rire qu'elle ne comprend pas, nous lui demandons de quelle nationalité elle est.  Je suis  rrrrrrrrroumaine nous dit-elle.  Ce à quoi nous répondons par un vibrant et amical "multumesc" (merci en roumain).  Devant son visage interloqué nous engageons alors une petite conversation.  Je lui explique que je suis aussi roumain. Elle nous apprend qu'elle est moldave de Piatra Neamt, la où nous avions visité les monastères peints qui sont les trésors de la Moldavie.   Nous nous quittons avec la joie d'une rencontre totalement inattendue tant pour elle que pour nous.  Une roumaine qui rencontre un roumain là dans ce minuscule village du Tarn au fin fond de la campagne.   Comment nos routes ont-elles pu se croiser ?

J'aime la Roumanie, je pense à elle, je la sens souvent à côté de moi, j'aimerais y retourner encore pour mieux la connaitre et la ressentir.   Alors, quel beau cadeau que cette rencontre qui vient comme un signe; un message qui témoigne que la Roumanie sait que je pense à elle et qui me salue à sa façon.

Nous sommes dimanche de  Pentecôte.  Les apôtres recevaient l'Esprit Saint et allaient prêcher en parlant toutes les langues.   Aujourd'hui je veux croire qu'une divine manifestation s'est produite.  La Roumanie et ses âmes bienveillantes m'ont offert un beau signe d'amour.  Depuis que je suis allé à sa rencontre, mes chemins me rapprochent souvent de la Roumanie.  


Multumesc la Vie !