dimanche 12 septembre 2010

Dimanche matin : grillée ou pas grillée la tartine ?



Pour moi, comme pour beaucoup d’entre nous, le dimanche matin est synonyme de calme, repos, détente et relaxation.   Sur une échelle de Beaufort, le dimanche matin serait plutôt l’équivalent d’un force 2, mer belle, temps calme et légère brise. 

Entre ceux qui font la grasse matinée, les familles qui prennent le temps de prendre leur petit déjeuner ensemble pour la seule fois de la semaine, ceux qui vont au marché se demandant ce qu’ils vont cuisiner à midi, ceux qui font du sport et ceux qui vont chanter des cantiques à la messe, il n’ y a pas de quoi fouetter un chat.   Pas un nuage à l’horizon, pas de questions existentielles; les tourments de la semaine sont entre parenthèses et la journée ne peut être que douce.  Le dimanche, il ne se passe rien de bien important.   Pas de choix à faire, pas de décisions à prendre, pas d’enjeux.

Au moment où devant mon grille-pain je me demandais si j’allais faire griller ma tartine ou lui épargner des brulures au troisième degré, la radio débitait des nouvelles insignifiantes dont je me fichais pas mal.  « Et maintenant les pronostics du tiercé avec José Covès…..Aujourd’hui pour le tiercé quarté quinté du jour dans le prix des Hortensias je vous propose une grosse cote avec Hidalgo du Bois Joli ou Matador de Mon Cœur ; ils ont tous les deux montrés qu’ils étaient en forme la semaine dernière au Prix de la Malmaison… ».

Dans le bar tabac PMU Le Havane, au 43 rue de Tolbiac dans le 13ème arrondissement de Paris, il y avait du brouhaha.  Les habitués du tiercé étaient là.  Ils vérifiaient les derniers résultats avant de jouer. 

Georges Dubois était assis devant son demi et relisait Paris Turf.  Lui aussi hésitait entre plusieurs chevaux, et il était bien tenté de tout miser sur Hidalgo du Bois Joli.   Il fallait absolument gagner, et surtout gagner le pactole.
Georges était à la retraite depuis deux ans.  Depuis qu’il avait quitté son entreprise d’électricité, il tuait le temps comme il pouvait et faisait des petits boulots de bricolage qu’il se faisait payer au noir.  Mais surtout il jouait aux courses.  Il voulait tant gagner gros. Au moins une fois.  Il rêvait de s’acheter un petit appartement sur la cote basque pour y passer une partie de l’année.  Il pêcherait.  Tranquille, pépère.  Mais il avait trop tiré sur la corde, et petit à petit il avait commencé à emprunter de l’argent à son frère.  Par naïveté, par pitié ou par amour fraternel, ou les trois à la fois, son frère Denis lui avait au fil des mois donné une somme conséquente.  A une ou deux reprises il lui avait  quand même fait comprendre qu’il aurait bien aimé revoir ses deniers. 
-      - Alors c’est pour cette fois-ci le gros lot ?
-       - On va se faire un de ces gueuletons le jour où tu vas gagner !
Il était loin, le petit appartement près de Saint-Jean-de-Luz.  Son image de villégiature paisible avait fait place au remord et à la honte.  Il fallait maintenant absolument gagner pour rembourser Denis. 
Une fois par mois, Georges allait diner le dimanche soir chez son frère et sa belle sœur.  Il n’osait plus y aller.  Il avait tant de mal à et les regarder dans les yeux.  Il se sentait minable.  Pour le diner de ce dimanche, il aimerait tant effacer son ardoise.  Il fallait gagner.  Il fallait qu’Hidalgo du Bois Joli soit son sauveur. 

A quelques mètres de lui, assise à une table devant un café, une jeune femme brune, belle, la trentaine maximum, pleurait discrètement sans discontinuer.  Que faisait-elle dans cet endroit où elle détonnait, où elle n’était pas à sa place ? Georges se le demandait, mais il pensait plus que tout à ce soir lorsqu’il sonnerait  à la porte de chez son frère.  Aurait-il le sourire ou baisserait-il les yeux ?

La casaque de satin jaune et violette portant le numéro 9 était l’honneur de Guy Martin.  Guy Martin était arrivé de bonne heure à l’hippodrome. Il devait se concentrer.  Dans les vestiaires, face à sa tenue de course, il se préparait mentalement.  Lui, le jeune jockey qui avait été remarqué par Pierre-André de Saint Alban, la star des patrons d’écuries de courses, ne pouvait pas décevoir.    Guy était originaire d’un petit bourg de Normandie : les Petites Dalles.  Lui aussi était petit.  Normal pour un jockey.  Dans cette région de Normandie, l’avenir d’un jeune est limité.  Il ne voulait pas finir comme ses copains avec un CAP tourneur fraiseur, bobonne et les marmots, Carrefour le samedi, et les vacances en camping à Palavas tous les étés.  Guy était passionné de sport, mais avec son physique et son nom, la gloire sportive n’était pas au coin de la départementale Les Petites Dalles – Fécamp.  Guy Martin, ça sonnait moins bien que Zinedine Zidane ou Jo-Wilfried Tsonga.  Ca donnait plutôt dans le milieu de peloton de course cycliste régionale.  Et avec son mètre cinquante huit, il était loin de devenir une star de basket.  Un été, il avait trouvé un emploi saisonnier au champ de courses de Dieppe.  Il observait les jockeys à l’entrainement, et de fil en aiguille, il avait commencé à monter de jeunes chevaux.  Il était doué et ça se voyait facilement.  C’est ce qu’avait immédiatement remarqué Pierre-André de Saint Alban, qui savait dénicher les jeunes talents capables de gagner des courses.  Et puis Guy Martin, ça sonnait comme un nom de jockey.  Depuis deux ans, Guy avait quitté sa Normandie natale et faisait partie des espoirs de Saint Alban.  Il s’entrainait à Maison Lafitte.  Il avait fait quelques bons résultats, mais n’avait encore jamais gagné de course majeure.  Saint Alban s’impatientait.  Il voulait son retour sur investissement.  Ce Dimanche, il fallait que Guy sorte du bois et gagne une course, ou sinon c’était le retour assuré à Dieppe et envolés ses rêves de gloire.    Ce Dimanche matin, Guy était au pied du mur.

Pierre-André de Saint Alban était au volant de sa Jaguar et se dirigeait vers Longchamp.  Il avait tout misé sur une victoire de ses deux espoirs, Hidalgo du Bois Joli et Guy Martin.  La saison n’avait pas été bonne, et depuis que l’émir Mustapha Al Khalifah avait investi dans l’écurie, il n’ y avait plus de place pour les places d’honneur.  Il fallait gagner, et surtout engranger des millions.   Ce dimanche matin, Pierre André de Saint Alban était tendu.  Très tendu.  Cette course, il fallait la gagner.

Sa femme Solange était restée dans leur hôtel particulier de Maison-Lafitte.  Pour une fois, elle avait décidé de rester à la maison.  Elle était lasse des mondanités hippiques.  Et puis la veille au soir, les derniers invités de leur diner étaient partis tard. 

Karola,  sa gouvernante polonaise avait, comme toujours, fait un superbe diner qui avait enthousiasmé les convives.  Karola travaillait chez les Saint Alban depuis 18 ans.  Grâce aux  « Amitiés Franco-Polonaises », elle avait pu quitter son pays natal, mais non sans regrets.  Abandonnée par un mari qui préférait la vodka et les filles plus jeunes, et dans un pays livré aux errements politiques, elle ne voyait aucun avenir devant elle.  Et surtout elle voulait que son fils Max ait une éducation et une formation scolaire et universitaire de haut niveau.  Car Max était sa passion.  Tout ce qu’elle faisait c’était pour Max.  Elle travaillait sans compter son temps pour lui payer ses études.  Elle n’avait pas hésité à faire des heures supplémentaires et à rester chez les Saint Alban pour préparer le diner de samedi soir.  Elle avait dormi sur place, et ce dimanche matin, elle rangeait la maison en pensant que Max devait réviser ses examens.  Max était en deuxième année de médecine.  Sa mère était fière de lui et gagnait chaque euro en pensant à lui.  Il fallait qu’il réussisse ses partiels.  Il fallait qu’il travaille dur.  Comme elle travaillait dur pour lui, pour sa réussite.   Elle allait bientôt rentrer dans leur deux pièces de Massy.  Elle ne le dérangerait pas et le laisserait travailler toute la journée. 

Ce dimanche matin, Max était censé réviser ses cours d’anatomie.  Mais c‘était surtout l’anatomie de Malika qu’il découvrait.  Alors qu’il s’attardait sur le piercing qu’elle portait au nombril, il repensait à cette soirée avec Malika qui s’était terminée tard dans son petit lit de chambre d’étudiant.  Max était tombé amoureux de Malika le premier jour où il l’avait vue derrière le comptoir de la sandwicherie, Rue des Ecoles, près de la faculté de médecine. 

Malika avait les cheveux noirs, de beaux yeux verts, et le petit brillant qu’elle portait à la narine gauche avait fait craquer Max.  Derrière son comptoir elle souriait tout le temps, elle était joyeuse.  Elle avait une autorité naturelle et savait remettre à leur place tous les garçons qui en faisaient un peu trop.  Elle aussi n’avait pas été insensible au charme de Max.  Son côté  un peu timide et doux lui donnait beaucoup de charme.  Max lui avait fait une cour en bonne et due forme, et de cafés en cinémas, il se retrouvait entre ses bras ce dimanche matin.  Sa mère allait rentrer de chez les Saint Alban et il fallait dire au revoir à Malika. 

Malika avait eu des petits copains mais n’avait jamais rien éprouvé de tel pour un garçon.  Elle avait toujours mal choisi.   Lui ce serait peut-être le bon.  Elle le sentait.  Il était complètement à l’opposé de Jordan, son dernier copain.  Immature, orgueilleux et mythomane, Jordan avait eu raison de Malika, qui avait mis un terme à leur relation la semaine précédente.  Malika n’avait jamais bien compris comment il gagnait sa vie.  Il vivait  de petits trafics.   Tellement vexé de s’être fait éconduire par la belle, il avait passé la soirée de samedi avec ses amis du quartier.  En sortant du bar du centre commercial où ils avaient descendu quelques bières, ils se mirent au défi de voler une voiture.  Au fond du parking, loin des regards, ils jetèrent leur dévolu sur une Citroën.  En quelques secondes, ils étaient au volant de la voiture et filaient vers le circuit de karting désaffecté.   Là ils continuèrent à boire.  Ils avaient trouvé des CD de Mylène Farmer et en fouillant dans le coffre avaient découvert une collection de lunettes.  Le propriétaire de la voiture devait être opticien ou quelque chose dans ce goût là.  Ivres et idiots, ils se prirent en photo avec leurs téléphone portables, en portant les lunettes les plus féminines et en ricanant bêtement.

Jean-Philippe Lambert était inspecteur de police au commissariat de Villeneuve Saint Georges et finissait sa permanence du week-end.  A 11h30 ce dimanche matin, il venait d’enregistrer la déclaration de vol de véhicule faite par Christian Pradet.  Christian était représentant en lunettes.  Après huit mois de chômage il avait trouvé un poste de commercial pour un fabricant de lunettes.  Hier soir il s’était fait voler sa voiture avec toute la collection qu’il devait présenter à Amiens demain matin.  Ca commençait mal.  Très mal.

Jean-Philippe Lambert aimait résoudre les énigmes.  C’est pour ca qu’il était dans la police me direz-vous.  Peut-être ?  Les vols de voiture, ce n’était pas trop sa passion.  Jean-Philippe préférait les énigmes plus sophistiquées, et à défaut d’être un des cerveaux de la P.J.,  il était devenu un champion de jeux en ligne.  Sa spécialité, c’était les jeux de science fiction.   Et cet après-midi, il devait livrer une partie finale face à un jeune prodige Thaïlandais.  Devant son vieil ordinateur tout déglingué du commissariat, il ne pensait qu’à se retrouver sur son super Mac et engager la bataille finale des « Dragons du 6ème espace ».  Il allait devenir le vainqueur, le super Jean-Philippe.

Tran habitait dans la banlieue de Bangkok et ce soir il jouait une grosse partie face à un Frenchie.  Il allait lui faire mordre la poussière.  Quelle coïncidence de jouer face a un Français.  Cette semaine il avait eu des entretiens avec Paul Navarro.  Paul dirigeait une société de jeux en ligne et il recherchait à travers l’Asie les meilleurs joueurs qui pourraient devenir conseillers technique et participer à l’élaboration des scénarios qui feraient de sa société « Worldgame Future » la référence mondiale.  Tran était connu dans le milieu et il allait l’embaucher.  La vie de Tran et le positionnement de la société de Paul allaient prendre une nouvelle dimension.  Ils allaient passer à la vitesse supérieure.

Paul avait quitté Bangkok par le vol du samedi soir.  Il devait arriver à Roissy dimanche matin.  Il était parti depuis trois semaines et Patricia sa femme commençait à trouver le temps long.  Patricia était une jeune femme brune, belle et amoureuse de son mari.  Ce matin elle voulait lui faire la plus belle des surprises.  Elle avait décidé d’aller le chercher à Roissy et lui annoncer la nouvelle là bas, à la sortie de l’avion.  Les nausées de la veille ne l’avaient pas freiné  dans son scénario amoureux.  Elle serait là à  la sortie des voyageurs et il ne s’en douterait pas.  Elle lui dirait là-bas.  Elle ne pouvait plus attendre.  Depuis son échographie de jeudi, elle savait que cette fois-ci elle était enceinte.  Elle n’avait pas voulu lui annoncer au téléphone.   Un peu fatiguée par une nuit au sommeil léger, elle s’était assise sur un banc métallique et inconfortable en retrait de la sortie des passagers. Le vol en provenance de Bangkok était annoncé. De loin elle scrutait les passagers.  Les minutes s’écoulaient et soudain elle le vit.  Ou plutôt les vit.  Ses jambes flageolaient, son cœur s’emballait, elle allait tomber.  Paul venait de sortir de la zone bagages et tenait par l’épaule Marijke.  Il s’arrêtait de marcher, l’enlaçait, et ils échangèrent un baiser langoureux.  Marijke était la nouvelle directrice Marketing que Paul avait embauchée.  Il ne tarissait pas d’éloges à son égard.   Marijke était hollandaise.  Elle  aurait voulu être styliste mais avait fait de brillantes études commerciales à Londres.   De sa vocation de styliste, elle avait gardé le goût des vêtements élégants et savait toujours être chic et décontractée à la fois, ce qui énervait Patricia, qui d’une certaine façon se sentait inférieure.  Marijke avait tout pour elle.  L’élégance, la beauté, l’intelligence et le sens du business.  Libre et séductrice, elle avait su faire chavirer Paul.  Au cours de ce long voyage, leur complicité avait fait place à de l’intimité, du charme, de l’amour et du sexe. 

Patricia ne croyait pas ce qui se passait devant ses yeux.  Mais elle comprenait en une fraction de seconde qu’elle vivait un cauchemar. Horrifiée par ce qu’elle voyait elle courut vers la sortie et s’engouffra dans un taxi.  Les pleurs secouaient son corps.  Elle ne savait pas où aller. Elle ne savait pas que faire.  Le taxi roulait vers Paris.  Elle avait donné son adresse mais se ravisa et lui demanda de la déposer au coin d’une rue. Elle ne pouvait pas renter chez elle.  La seule personne à qui elle pouvait parler était sa sœur.   Elle entra dans le premier café venu, s’attabla, commanda un café, sortit son portable de son sac et appela sa sœur Marlène.  Marlène ne répondait pas.  Elle se mit à pleurer.  Que faisait-elle là, un dimanche matin dans un café PMU de la rue de Tolbiac, face à un sexagénaire qui buvait un demi en lisant Paris Turf ? 

Marlène ne répondait pas.  Patricia lui avait laissé deux messages, mais pas de réponse en retour.  Marlène était sur Skype, en train de parler avec Marisa.  Son portable avait sonné, et Bimbo sa chienne Jack Russel avait aboyé à chaque sonnerie.  Marlène était sourde à tout ce qui se passait.  Marlène parlait avec Marisa et la terre pouvait s’écrouler, elle n’aurait pas bougé d’un iota.  Marlène était comédienne.  Depuis deux ans, sa carrière avait eu es hauts et des bas. Elle avait joué dans une série télé qui s’était bien vendue à l’étranger.  Mais cette année, c’était son grand retour au théâtre.   Elle avait répété tard dans la soirée.  La première était dans dix jours.  Ce dimanche matin, elle était sur Skype avec Marisa.  Marisa était journaliste à Tele Globo, la grande chaîne de télé brésilienne.   Marlène avait rencontré Marisa lors d’une soirée de présentation de sa série télé à la presse brésilienne à Rio de Janeiro.  Immédiatement elle était tombée sous le charme de cette fille aux cheveux noirs, aux dents blanches et à la sensualité d’une liane.  Son sourire et la musicalité de son corps l’avaient ensorcelé.  Marisa lui avait fait découvrir Rio et Marlène lui avait fait découvrir son cœur.   Ce matin, Marisa venait d’annoncer à Marlène qu’elle serait à Paris pour la première de sa pièce.  Plus rien ne comptait pour Marlène.  La femme de son cœur serait sa spectatrice la semaine prochaine.  Elle allait jouer pour elle. 

Marisa ouvrit sa grande baie vitrée qui donnait sur la plage d’Ipanéma.  Il faisait très chaud.  Depuis la rue montaient les bruits de la ville.  Paulinho un gamin de la zone nord rigolait avec ses copains.  Il était chez Oscar le vendeur de glaces et chargeait sa glacière de « sorvettes » vanille, café et chocolat qu’il allait vendre sur la plage.  Il faisait déjà 34 degrés.  La journée allait être longue sous le soleil de Rio, les pieds foulant un sable brûlant.  Peu importe, ce soir il y avait le match Flanengo-Fluminense et Paulinho n’attendait que de le voir à la télé chez Oscar.


Alors, au moment où je me demandais ce que j’allais faire de ma tartine pensant que le dimanche était le jour le plus calme, soupçonnais-je que tant de vies allaient changer et basculer ? Le dimanche matin n’est pas forcément le jour entre parenthèses  que l’on croit, et bien des destins se jouent pendant le calme apparent d’une journée de repos. 

Lorsque j’étais enfant, j’aimais prendre ces cahiers de dessins où l’on trace un trait l’un après l’autre en suivant des chiffres et où à la fin on découvre un dessin surprise.  Ce dimanche devant mon grille-pain imaginant des personnages et tirant des lignes de l’un à l’autre sont apparus successivement des nuages, des soleils, des rires, des pleurs, des tourments et des joies.  Autant de vies aux formes et aux destins variés et singuliers qui ont changé ce dimanche matin.




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